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Lucie Desaubliaux, ancienne étudiante du Master de Création littéraire – Portrait

Mis à jour le : 05/07/2023

Trajectoires

Diplômée du Master de Création littéraire du Havre en juin dernier, Lucie Desaubliaux présentera son livre La nuit sera belle, récemment paru chez Actes Sud, à la librairie La Galerne mardi 16 mai à 18 h. A l’occasion de cet évènement, Lucie Desaubliaux a accepté de revenir sur son parcours, la sortie de son livre et le Master Création littéraire.

Pourriez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?

Après une année en Classes Préparatoires Littéraires, je suis partie étudier aux Beaux-Arts d’Angoulême pendant cinq ans. J’y ai essentiellement travaillé sur la représentation de la littérature dans la pensée, ou comment les différents livres lus s’agencent et forment un tissu de réflexion, sous forme d’installations diverses. Je suis ensuite partie m’installer à Nantes avec deux amis artistes, Baptiste Fertillet et Apolline Schöser, où nous avons fondé un collectif d’artiste, 4, avenue de la Calypso, qui proposait workshops et résidences aux artistes qui manquent de lieux et de temps. Après deux ans là-bas, je suis entrée au Master Création Littéraire du Havre où j’ai obtenu mon diplôme en juin 2016.

Vous êtes diplômée du Master Création littéraire du Havre depuis 2016, que vous a apporté cette formation ?

Le Master Création Littéraire m’a apporté un cadre. Il m’a offert du temps pour je puisse enfin me consacrer à l’écriture. Il m’a aussi permis d’être entourée par des gens qui faisaient la même chose que moi, qui écrivaient et qui voulaient en faire émerger un projet. C’est très important de ne pas se reclure et très difficile de trouver des interlocuteurs, surtout au début, lorsqu’écrire est encore une initiative personnelle, un “pourquoi pas” dont on ne sait pas jusqu’où on est capable de le mener. Les étudiants comme les professeurs et les intervenants offrent un retour sur nos écrits, on échange, on critique, on a enfin l’opportunité de parler de son travail, de prendre du recul dessus. Ce sont ces échanges qui permettent d’étayer sa réflexion, de faire prendre à l’écriture des tournants inattendus, influencée par la richesse de toutes les personnes qui travaillent à nos côtés. Rencontrer des intervenants, écrivains comme professionnels du livre, permet aussi de voir différentes manières de travailler, de prendre la littérature par d’autres bouts.

Pourriez-vous nous en dire plus à propos de l’ouvrage “La nuit sera belle ” que vous venez de publier ?

La Nuit sera belle n’est pas complètement un roman. C’est le récit d’une nuit, dans un appartement, durant laquelle trois amis vont parler de l’expédition à venir.

Ils boivent du thé, de la bière, du vin et du whisky mais chaque chose en son temps. Ils se parlent et se taisent. Ils font beaucoup plus que ce qu’ils croient et beaucoup moins que ce qu’ils disent.
Arek cherche quoi faire, Ivan veut faire mais n’y arrive pas et Todd C. Douglas se complaît dans le non-faire.
Ils explorent l’oisiveté sous toutes ses formes, de la plus active à la plus passive. Ils chinent de l’espace et du temps. Ils essayent de soustraire leur existence à toute justification. Ils tentent d’échapper au but à tout prix. Ils cherchent la quatrième dimension, même s’ils savent qu’ils ne pourront qu’en envisager l’idée et ne seront jamais capables de la voir intégralement.
Ils préparent une expédition. Le soir qui est raconté là est le dernier soir avant le voyage. Ils partiront le lendemain, ou jamais. Pour trouver l’interstice entre la surface et le monde, là où la temporalité se met entre parenthèses, où la potentialité se suffit à elle-même, où les choses n’ont plus besoin d’exister mais seulement d’être possibles, où les milieux sont légions, où les cheminements s’agencent et les quêtes sont dépouillées de leur but.

Comment est né ce premier roman ?

C’est un mélange de beaucoup de réflexions qui me sont venues durant mes années aux Beaux-Arts. Pendant mon passage à Nantes, j’ai tenté de les agencer. Ça a donné des organigrammes touffus de concepts et de citations. J’ai écrit dix pages très mauvaises de récit et au bout de ces dix pages, ils étaient censés partir en expédition. Sauf qu’écrire le voyage ne m’intéressait pas. Alors ces dix pages sont restées dans un tiroir et n’en sont plus ressorties. C’est en entrant au Master de Création Littéraire que le vrai tissu du récit s’est matérialisé. J’ai bâti de grands échafaudages que j’ai nourris de toutes mes sources, textes, films, œuvres d’art. J’ai collé de grandes feuilles de couleur au mur sur lesquelles je classais des post-it par thèmes que j’appelais des “Dimensions”. D’abord les personnages n’avaient pas de nom, ils s’appelaient A, B et C et ne servaient qu’à incarner la réflexion. J’écrivais par fragments, pour planter des balises. Et puis, petit à petit, l’appartement s’est construit autour d’eux et eux-mêmes ont commencé à prendre corps, à se matérialiser jusqu’à trouver un prénom, des gestes et une voix. Les fragments se sont étoffés et le récit a trouvé le ciment qui relie ses parties.

Qu’éprouvez-vous avant la sortie de ce roman ? Crainte, réjouissance ? Et après ?

Avant la sortie, je ne réalisais pas. Même en recevant les premières épreuves, j’avais du mal à comprendre que l’ouvrage que j’avais entre les mains était le mien. C’est le jour de la sortie que j’ai un peu mieux compris, le lendemain de ma première rencontre en librairie, à Besançon. Maintenant, ça va mieux, il y a beaucoup de joie bien sûr, surtout quand mes proches le lisent, me disent qu’ils l’ont aimé et me parlent des passages qui les ont touché. Il y a aussi un petit sentiment de dépossession, c’est quelque chose que j’ai écrit sans penser vraiment qu’il serait lu et c’est bizarre que ces trois personnages se mettent à exister dans d’autres mains. Je ne sais pas si maintenant que j’ai réalisé cela, je serai capable d’écrire un nouveau texte sans penser à ce qu’il deviendra après.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux étudiant.e.s rêvant de devenir écrivain ?

Je ne sais pas si je pourrais donner des conseils. J’ai l’impression que chaque pratique est très particulière et chacun réagi différemment à celle-ci. Je pense qu’il ne faut pas brusquer un texte, qu’il faut lui laisser le temps de gonfler, il ne faut pas tenter de le maîtriser et de l’emprisonner dans ce qu’on voudrait qu’il soit. Il faut se laisser le loisir de l’entamer par le milieu, si c’est lui qui vient en premier, d’écrire des bouts qui n’ont pas de rapport, car ils projetteront peut-être une lumière complètement différente sur le texte, lui permettront de rebondir. Surtout ne pas avoir peur de l’inutile et garder à l’esprit qu’il faudra sûrement couper, effacer, élaguer, mais que ces passages disparus auront été nécessaires pour que le reste existe bien. Il faut se réserver de l’espace et du temps, car c’est ce qui permettra au texte de se densifier, de se laisser partir dans l’inattendu. Je sais que ne pas écrire pendant des mois me permet de laisser les pensées s’organiser toutes seules dans ma tête. C’est dur, parce qu’il y a de la culpabilité, mais il faut généralement que je laisse faire. Mais je sais aussi que d’autres écrivains ont une production quotidienne ou filent en ligne droite du début à la fin de leur livre. Peut-être que le seul conseil valable et auquel je tiens beaucoup c’est de ne pas oublier le plaisir là-dedans et de laisser l’écriture rester un jeu.

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