Cette conférence ouvre l’édition 2016-2017 du séminaire OCEANIA – Observatoire des Cultures Et des Altérités de Normandie d’Ici et d’Ailleurs – dont le thème est, cette année, « Les femmes et le pouvoir ». Elle sera assurée par Elizabeth Durot-Boucé, professeur de langue et littérature anglaises à l’université.
“If all Men are born Free, how is it that all Women are born slaves?” (Mary Astell, 1700).
Au siècle des Lumières, le modèle de la société patriarcale veut que la femme se repose pour la conduite de son existence sur une autorité tutélaire, père, mari, frère, oncle.
L’idéal féminin demeure au XVIIIe siècle la subordination et la timidité alors que l’individualisme est prôné pour les hommes. Certaines femmes éprouvent le désir de secouer ce joug, de quitter l’ombre et de sortir de l’invisibilité et elles cherchent à se donner les moyens de leur indépendance, se voulant maîtresses de leurs choix, délivrées des tutelles traditionnelles (paternelle, conjugale ou religieuse). Ainsi par exemple, faisant fi des convenances et des normes de la féminité de son époque et de sa classe sociale, Émilie Du Châtelet entreprend d’investir le domaine masculin de la science. Dans un autre domaine, rejetant la soumission et l’obéissance à la tradition, roman libertin et roman gothique manifestent un sursaut de révolte. Le désir subversif d’importance éprouvé par les femmes constitue une menace pour l’ordre social établi. C’est pourquoi on a pu qualifier Sade de révolutionnaire : il accorde une voix à celles qui sont culturellement réduites au silence. Sinon personnage principal de l’intrigue, assurément la femme occupe la scène sadienne. « Le marquis de Sade […] avait sur la femme des idées particulières et la voulait aussi libre que l’homme » (Apollinaire). Dans le roman libertin, se dessine la pensée des Lumières et ses promesses émancipatrices : la virilisation de l’héroïne concourt à cette entreprise de sape du modèle sociétal.
Promesse de l’autonomie individuelle, promesse de la démocratie et promesse de l’émancipation des femmes. Car au tournant des Lumières, à l’impossible chacun se croit tenu.
Elizabeth Durot-Boucé est professeur de langue et littérature anglaises à l’université Le Havre Normandie. Son domaine de recherche englobe l’histoire des idées, la littérature et la traduction. Spécialiste du Siècle des Lumières